Le film
dont vous pouvez télécharger l'intégralité ou un extrait de 1 mn est une histoire double:
Dans
la première partie la photographie est un inventaire de lieux d'enfance.
Dans la légende en contrepoint, le narrateur révèle les fabuleux secrets
de chaque lieu.
Dans la seconde
partie, le même narrateur va revoir ces lieux d'enfance à la suite d'une
déception amoureuse. Les images sont un support à son monologue. Il ne les
regarde pas vraiment mais a besoin de les voir pour se parler.
"Légendes" est
l'aboutissement de nombreuses péripéties. L'ensemble des 180 photographies
Noir & Blanc a été réalisé en Bourgogne en 1987. L'élaboration d'un
projet de livre s'est poursuivie jusqu'en 1997. L'idée d'un film s'est peu
à peu imposée d'elle-même: la forme livre ne rendait pas assez compte des
changements de rythme qui sont une donnée essentielle du récit, aussi bien
entre les deux parties qu'entre les différentes images, en particulier
dans la "légende 2" où les accélérations sont fréquentes. Il y a
également un travail sur l'image liée à l'aspect nostalgique, voyage dans
le passé: le travelling est utilisé à l'intérieur du cadre photographique
comme un oeil mettant au jour les détails enfouis. Par ailleurs le zoom
arrière, en passant du détail à un plan plus large, renvoie à une vue
d'ensemble plus nette du passé.
La partie sonore,
également essentielle, est liée à l'aspect conte du travail. "Légendes"
est une suite de petites histoires enchaînées qui doivent envoûter le
spectateur-auditeur, comme le ferait un conteur habile au coin du feu, ou
bien un griot africain qui sait aussi se servir de quelques instruments de
musique pour créer l'ambiance voulue: onirique, magique, fantastique,
terrible... La qualité, le grain de la voix sont donc très importants.
La voix de Yves Simon et la musique de Victor Bétermin concourent à
donner à la réalisation une ambiance intime et sensible.
Le Centre Georges Pompidou et C.A.D. Prod ont coproduit le film en 1997, avec le soutien de la Délégation aux Arts
Plastiques. Depuis, "Légendes" a été présenté aux Espaces Electra
et Mise au Point (Mois de la Photo à Paris, 1998), au Forum des
Images, etc.
"Serge Sautereau nous offre une
nature dont la lecture frise l'irréel. Son imagination est créatrice de
rêves. C'est le regard des grands artistes."
Henri Alekan, chef opérateur de "La Belle et la Bête",
"Austerlitz", "Les Ailes du Désir"...
A propos de "Légendes", texte de
Jean le Gac lu lors de la rencontre organisée à la FNAC Montparnasse en
janvier 1998
l'adaptation
Au
moment où beaucoup d'artistes se sont préoccupés de la spécificité de
chaque medium ou support, la question se pose toujours de savoir si on a
raison de passer de l'un à l'autre, ce qu'on y gagne et ce qu'on y perd.
Avec le travail de Serge Sautereau la question se repose et me confirme
que dans ses changements de forme il y a quelque chose de minimal qui ne
se perd pas, qui reste obstinément présent, qui n'est pas de l'ordre du
sens, du message, du confidentiel. Cette chose fragile serait selon moi
l'art avec un grand ou un petit a, comme vous voudrez, et qui perdure
malgré le changement d'habits, de défroques dont on l'affuble. En ce sens,
la forme, même si elle informe beaucoup sur les opérations artistiques
n'explique pas l'art, qui garde son mystère.
le photo-texte, le linéaire, la
symétrie, la clôture A la première vision j'ai vu
"Légendes" comme deux petits films séparés. A ma surprise c'est le second
qui m'avait le plus touché. Pourtant dès les premiers mots j'avais pensé
que cela ne m'intéresserait plus. Je suis un vieux bougre et les premières
amours de jeune homme sont très loin de moi et de mes préoccupations,
pourtant c'est cette seconde partie que je trouvais la mieux; je me suis
interrogé pour savoir pourquoi. Il n'y a pas de mouvement de caméra. Serge
Sautereau y procède par images fixes; souvent à l'inverse de la première
partie il va du détail au plan large. Donc la caméra se fait oublier, elle
ne s'interpose pas... on voit tout simplement, et pas derrière un
appareil.
J'ai mis aussi pour le compte du
rythme cette meilleure réception que j'avais de cette seconde
partie.
Le rythme est une vieille histoire dans l'art. Je crois que
personnellement je ne le comprends toujours pas mais c'est ce qui fait
qu'un Coluche planté comme un bénêt devant un micro, avec un discours
touffu, plein d'incises, zézayant et les yeux échappant à tout contrôle,
les bras ballants, qui se soulèvent à peine jusqu'aux coudes, pas plus,
grâce au bon rythme, au bon tempo entre gestuelle et élocution, devient
génial.
A la deuxième vision mon intérêt pour cette deuxième partie
vient aussi du fait d'y reconnaître quelque chose qui m'a beaucoup
préoccupé dans les photo-textes, surtout ceux de 1976. Dans ces systèmes
binaires on peut être tenté d'aller aussi loin que possible entre l'écart
image et texte. A contrario on peut chercher la liaison la plus radicale.
Dans ce cas il ne s'agit pas de "se dire", de parler de soi à partir d'une
photo, mais d'essayer d'extraire ce qu'il y a dans la photo. J'aurais
comparé cela à la métaphore filée. Il serait trop long ici d'en
reparler, si je le fais c'est seulement pour expliquer que la deuxième
partie de "Légendes" me touche chaque fois que j'y vois à l'oeuvre cette
contamination du texte par l'image: ainsi quand le texte évoque une
séparation devant des portails fermés, des amoureux devant un chemin fait
de deux sentiers parallèles séparés par une bande herbeuse, de serments
devant des cierges d'église, de larmes devant une croix de
cimetière.
Cela dit il est évident qu'il n'y a pas deux parties
séparées dans la proposition de Serge Sautereau, qu'il faudrait opposer ou
quantifier.
Sur le plan structurel, à la disposition binaire
photo-texte répond la symétrie entre la première et la deuxième partie. Je
l'ai souligné tout-à l'heure, la symétrie se propage même dans la
prospection de l'image :
- du plan large au détail (1ère partie)
- du détail
au plan large (2ème partie)
Ainsi on obtient
une clôture du dispositif général. Mais que Serge Sautereau me permette de
suggérer qu'au-delà de l'artifice on ne peut s'empêcher de penser que
l'équilibre du système binaire pourrait être rompu au profit d'une
ouverture sans limite, une 3ème partie, voire une 4ème, par exemple les
mêmes lieux, filmés et non pas photographiés, aujourd'hui. Ou encore la
même histoire d'amour revue non pas à chaud mais après un plus long vécu.
Et caetera.
Mais je m'en voudrais d'engager un jeune artiste dans une voie
aussi difficile, l'obstinato que tente, avec des moyens
différents, l'écrivain René des Forêts.
Jean Le Gac, écrivain, plasticien
|